8 mai – Agra

Ce matin, nous visitons … le Taj Mahal! Il fait déjà fort chaud, mais avant notre visite, nous devons régler la façon dont nous allons quitter Agra: Eléonore compte prendre un train de nuit, et nous allons nous renseigner à la gare. Hélas, il n’y a plus de place dans le train de cette nuit, ni dans celui de la nuit prochaine… Eléonore projettait d’aller jusqu’à Varanasi, cette ville sur le Gange où l’on brûle les morts à la nuit tombée. Expérience mystique et spirituelle qui laisse des traces, paraît-il… Par contre, cela nous obligerait à voyager deux nuits d’affilée en train, étant donné que nous devons  ensuite  nous rendre dans le nord, à Darjeeling.

Pas de solution, nous allons devoir y réfléchir un peu plus tard dans la journée. En attendant, nous nous rendons au Taj Mahal. Le lieu est magique, mais se mérite: il fait plus de 40° alors qu’il n’est que 10h; le guide nous a prévenues qu’il y a une série non exhaustive d’objets interdits pour la visite: bics, crayons, marqueurs (ils ont très peur des tags, ce qui peut se comprendre, vu la blancheur immaculée du monument), nourriture, boissons (on reçoit une bouteille d’eau à l’entrée), couteaux… Nous avons tout de même emporté notre livre, car nous comptons profiter du lieu pour nous reposer un peu et pourquoi pas en lisant… Interdits aussi, les livres, et nous devons aller les porter à la consigne. Celle-ci est située à plus de 500 m de l’entrée. Passons sur le fait que les personnes qui ont fouillé nos sacs ont ouvert un petit carnet à dessins qu’Eléonore avait emporté avec elle et se sont moqués ouvertement des dessins qu’ils y ont vus! Passons aussi sur le fait (c’est généralisé en Inde) que le ticket d’entrée est 10 X plus élevé pour les touristes étrangers que pour les Indiens.

Enfin nous entrons: le Taj Mahal se découvre juste après une arche, tout au bout d’une longue allée, bordée d’arbustes et de bassins d’eau. Comme sur les photos, et bien sûr, pas tout à fait… Parce que vous êtes là, juste devant, que vous voyez les gens au loin, qui sont déjà dans le temple, minuscules, parce que la propreté des lieux, les soins apportés aux jardins et à tout ce qui entoure le temple sont inversément proportionnel à la saleté et au délabrement des bâtiments qui règnent ailleurs. Parce que vous ressentez bien que ce temple est pour les Indiens un joyau dont il leur faut prendre le plus grand soin. Parce que ce temple aussi, est un tombeau. Celui d’une femme morte en accouchant de son 14ème enfant. Parce que la symétrie se veut parfaite. Au point qu’une mosquée a été construite à la gauche du temple, et une deuxième à sa droite; mais ce dernier bâtiment n’est qu’un leurre: il n’est pas orienté vers La Mecque et donc ne sert à rien…

 

Le lieu est très touristique, énormément d’Indiens s’y rendent, mais c’est tellement grand que l’on n’y est moins oppressé par la foule que dans les rues de Delhi.

A l’intérieur, il est interdit de prendre des photos. Mais ce n’est pas l’intérieur le plus intéressant… Les incrustations de pierres de couleurs sur le marbre blanc sont de toutes beauté et d’une finesse exceptionnelle.

 

Nous resterons là deux bonnes heures, avant de repartir vers la ville, où nous allons manger dans un petit hôtel-resto. Malgré la chaleur, nous nous installons à l’extérieur, dans une cour ombragée par de grands arbres. Nous y restons presque tout l’après-midi, le temps de décider de la suite de notre voyage. Nous sommes coincées par la réservation d’un vol de retour, depuis Bagdogra, dans le nord, jusqu’à Mumbai, où Eléonore a son appartement et toutes ses affaires. Nous décidons finalement, la mort dans l’âme, de renoncer à Varanasi, car les trajets sont trop compliqués dans ce pays… Nous décidons de quitter Agra pour retourner à Delhi et de là prendre l’avion pour Bagdogra. Nous réservons un vol pour le lendemain matin, mais décidons de rejoindre Delhi ce soir même. Nous récupérons nos bagages chez nos hôtes du BB; en route vers la gare, où nous achetons nos billets pour Delhi. C’est normalement 3 heures de train. Avec beaucoup de difficultés, nous parvenons à savoir à quel quai arrivera notre train (même un contrôleur que nous interrogeons n’a pas l’air sûr de ce qu’il nous dit).

Le train arrive, et surprise!!! Il est bondé. A quoi nous attendions-nous donc? Impossible de monter dedans, avec nos gros sacs à dos et dans la bousculade. Les gens s’accrochent aux portières, à l’intérieur, on ne sait pas bouger… Nous sommes forcées de renoncer à essayer de monter, effrayées par ce voyage de 3 h que des gens vont faire en étant à moitié à l’extérieur, accrochés à ce qu’ils peuvent…

Quelqu’un nous dit que dans le suivant, ce sera plus facile, mais nous n’y croyons pas. Et d’abord, il est impossible de savoir à quelle heure il va arriver… Après avoir copieusement engueulé les fonctionnaires de la gare, Eléonore leur lance nos tickets en leur disant qu’on n’en a pas besoin, qu’on va prendre le bus.

A ce moment, j’ai un peu l’impression que l’on est prisonnières de cette ville…

Nous cherchons la gare des bus, manquons nous faire bien arnaquer par un conducteur de rickshaw qui nous prétend qu’il a perdu ses clefs de contact et veut nous faire monter chez un de ses potes… Entretemps, la nuit est tombée. Finalement nous trouvons la station de bus, pas loin de la gare des trains, le bus gouvernemental qui doit nous emmener à Delhi. Il part 1/2h plus tard, mais nous apprenons qu’il va mettre 5 h pour arriver. Il sera finalement 2 h du matin. Le voyage dans ce bus s’apparente à une descente aux enfers: à 5 sur une banquette de 3, de nuit, avec un bébé qui se retrouve sur nos genoux, son papa qui dort la tête sur l’épaule d’Eléonore, le tout sur une autoroute en construction: 10 km de belle route bien lisse, sur laquelle le bus roule à fond de balle; suivis de 10, 20 , plus encore de km sur une voie en construction, c’est-à-dire, une déviation sur le côté et des trous, des bosses, de la terre, des gens qui creusent, qui travaillent toute la nuit, les trous et les bosses étant bien entendu accentués par le fait que le bus n’a probablement plus d’amortisseurs dignes de ce nom.

Et là, au milieu de la nuit et dans cet enfer, je reçois le SMS de Philippe m’annonçant la naissance de la petite Agnès, au bout du monde, à Bruxelles…

Nous arrivons enfin, après 6 h de trajet, à la gare des bus de Delhi. S’il existe un lieu sur terre pour les damnés, il est ici, sur cette plateforme crasseuse coincée entre des voies d’autoroute, par une chaleur étouffante même en pleine nuit, dans la pollution des gaz d’échappement des camions, voitures, la poussière, le harcèlement de ceux qui veulent nous conduire ou nous vendre des choses dont nous n’avons nul besoin… Un sikh, qui a fait le voyage dans le même bus que nous, nous aide à trouver notre taxi.

Enfin nous arrivons à l’hôtel, et passons une nuit médiocre, avant de nous remettre directement en route pour l’aéroport et pour Bagdogra.